Une restauration surprenante pour l'Inguimbertine

Culture et Loisirs - Culture - Inguimbertine

Le programme de restauration des œuvres qui seront présentées en exposition permanente de l'Inguimbertine à l'hôtel-Dieu se poursuit et réserve bien des surprises aux spécialistes...

La restauration est souvent l'occasion de mieux comprendre l'histoire matérielle d'une œuvre. Un bel exemple est fourni par un tableau que l'on considérait être de la main de Denis Bonnet, peintre carpentrassien du XIXe siècle. L'œuvre représente une scène historique avec un prêtre célébrant une cérémonie devant une statue figurant la Vierge à l'Enfant.

Les étapes d'une découverte

Ce tableau nécessitait une importante restauration qui a été confiée à Marine Victorien et Christine Evrard, les travaux devant être effectués dans les ateliers publics du Centre Interdisciplinaire pour la Conservation et la Restauration du Patrimoine à Marseille. Dès la réception du tableau, le CICRP a réalisé une imagerie scientifique pour bien définir le protocole de restauration.

L'imagerie scientifique se découpe en trois parties :

  • Les images en lumière rasante permettent de juger de l'état de la matière de la toile et de la couche de peinture,
  • La photo sous lumière infrarouge révèle les strates sous-jacentes,
  • La photo sous ultra-violet met en évidence les ajouts et repeints au-dessus du vernis original.

Pour notre tableau, l'imagerie sous lumière infra rouge a permis d'identifier des inscriptions que l'on ne voyait plus à l'œil nu ou cachées sous des repeints du XIXe siècle. Deux d'entre elles donnent des indications, d'abord sur l'identité du protagoniste, un prêtre, Paul Dandré, chanoine de la cathédrale Saint-Siffrein au XVIIe siècle (inscription en latin en bas à gauche). L'autre indication donne le " mobile " du tableau, à savoir un ex-voto (inscription en latin en haut à droite). En effet, victime d'une grave maladie, Paul Dandré adresse, en 1652, une prière à la Vierge, faisant vœu de reconnaissance s'il guérit ; " miraculeusement sauvé " dit l'inscription. Paul Dandré a donc fait peindre un tableau où il témoigne de l'intercession bénéfique de la Vierge.

La redécouverte d'un Ex-Voto du XVIIe siècle

À partir de ces nouvelles données, on peut comprendre l'histoire matérielle de ce tableau comme suit : suite à sa guérison en 1652, Paul Dandré commande un tableau pour respecter son vœu, l'inscription dans le cadre en haut à droite précisant les circonstances de l'ex-voto. Après sa mort en 1697, une inscription est ajoutée, en bas à gauche, précisant l'auteur du vœu. Ayant acquis ce tableau, l'artiste Denis Bonnet le restaure avant de le donner en 1852 au musée. C'est peut-être à cette occasion qu'il recouvre les deux inscriptions originales par un repeint qui reprend mot à mot les formules latines du XVIIe siècle. Pour confirmer et compléter les informations sur cet ex-voto, le CICRP doit maintenant réaliser une imagerie par réflectographie infrarouge qui permettra d'approfondir les données sur les matériaux et couches sous-jacentes. Le protocole de restauration pourra alors être finalisé, notamment pour décider de l'éventuel retrait des repeints en les distinguant bien des zones originales à impérativement conserver. Toutes ces péripéties ne manquent pas de donner une valeur spéciale à cette œuvre et on ne peut douter qu'elle attirera les connaisseurs lorsque le musée rouvrira ses portes.

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