La truffe noire ou tuber melanosporum, est l'emblème du terroir de Carpentras! Dès ce mois-ci et jusqu'en mars, les trufficulteurs vont la caver et la vendre, les cuisiniers la préparer avec délicatesse, notamment pour les fêtes et les gourmets la déguster avec plaisir. La truffe noire, son histoire, les traditions comtadines, ses amateurs et son marché : découvrez les coulisses de ce champignon exceptionnel.

La truffe dans l’histoire comtadine

Le marché aux truffes de Carpentras datant de 1155 est le plus ancien de France.

La truffe du Comtat Venaissin a connu son apogée en 1909, où plus de 39 tonnes de truffes du Ventoux ont été vendues alors que 13 entreprises carpentrassiennes se chargeaient de la transformer et la mettre en conserve.

Bien que les sols de notre région aient des propriétés chimiques et biologiques qui confèrent à la truffe une qualité incomparable, les terres du Comtat sont moins prolifiques qu’il y a quelques décennies engendrant une culture en truffière. À l’hiver 2017-2018, année avec une production faible, 407 kg de truffes ont été vendues aux marchés de Carpentras.

La météo estivale laisse toutefois présager une meilleure saison pour 2018-2019. Aujourd’hui, il n’y a pas un vendredi matin, entre mi-novembre et fin mars, sans marché aux truffes dédiés aux professionnels et aux particuliers. L’ouverture cette année aura lieu le 16 novembre

Le marché des professionnels, entre tradition et règlementation

Les professionnels se retrouvent dans le cadre magnifique de la cour d’Honneur de l’hôtel-Dieu pour le marché de gros. À neuf heures précises, André Desserre siffle l’ouverture des échanges.

Ce marché est très règlementé et codifié. Les vendeurs et acheteurs doivent se faire connaître du service foires et marchés municipal et entrent sur le « carreau » grâce à une carte sur laquelle figurent leur nom et leur photographie.

Aucun prix n’est affiché, la vente se fait en fonction de l’offre, de la demande et de la qualité des produits. Les truffes sont présentées dans des sacs de toile ou des paniers d’osier, le plastique est proscrit et les lots ne doivent comporter que des truffes de même origine, espèce et qualité avec le même état de maturité, développement et coloration. Les seules variétés autorisées sont la tuber melanosporum et la tuber brumale. Les acheteurs et vendeurs discutent des prix « à l’oreille » car la truffe ce n’est pas secret mais ça reste discret !

Une fois le prix décidé, les truffes sont pesées à la balance romaine. La balance romaine est le seul moyen de pesée autorisé sur ce marché. Pour cette saison, 185 trufficulteurs, 33 acheteurs et 25 commerçants sont inscrits au carreau des professionnels. Sont présentes 2 personnes du ministère de l’agriculture qui mettent à jour la mercuriale de prix chaque vendredi. La mercuriale du marché de Carpentras est la référence du cours de la truffe.

La ville met de nombreux moyens pour pérenniser ce marché et encadrer les professionnels de la truffe. Les agents du service foires et marchés se chargent de son organisation, ils sont présents tous les vendredis matins accompagnés de Bernard Bossan, adjoint délégué à la sécurité et aux marchés, et d’agents de police.

Le marché des particuliers, la truffe pour tous !

Le marché des particuliers, distinct de celui des professionnels, se déroule tous les vendredis à partir de 8h, place du 25 Août 1944. La vente y est aussi très règlementée. Les truffes doivent être présentées en vrac par le vendeur, brossées et lavées. Elles sont pesées sur une balance électronique car leur vente se fait au gramme près. Les différentes variétés sont séparées en fonction de leur variété, calibre, maturité et qualité.

La truffe connaît une forte demande les mois de novembre et décembre, pour les repas de fêtes, impactant fortement son prix. Celui-ci redescend ensuite à la fin de la saison alors que les connaisseurs l’estiment meilleure car à maturité. Les aficionados vous conseilleront de l’acheter en février pour la garder dans le temps (au congélateur, bien sûr).

Rabasses et rabassiers

Le milieu de la truffe est pourvu d’un vocabulaire particulier. On ne ramasse pas les truffes on les «cave» avec un «picon». D’ailleurs on ne dit pas truffe mais «rabasse» recherchées par un «rabassier». Les trufficulteurs ont leur confrérie, la confrérie des rabassiers du Comtat, dans laquelle une cinquantaine de chevaliers ont intronisé tout autant de personnalités. Leur rôle est la promotion de la truffe et son terroir. Ils interviennent auprès des touristes et des locaux dès le plus jeune âge et sont présents lors de la fête de la truffe, en habits d’apparat.

Les rabasses, sont produites de novembre à mars. Il y a ensuite une interruption d’un ou deux mois puis on retrouve la truffe d’été jusqu’en août. Avec le négoce, il y a des truffes fraîches toute l’année. Dans le Vaucluse, nous produisons essentiellement la tuber melanosporum, la truffe noire.

De la terre à l’assiette, itinéraire de la truffe.

De la terre à l’assiette, itinéraire de la truffe. Nombreux trufficulteurs ont des truffières, où sont plantés des chênes blancs et verts mycorhizes, c’est-à-dire auxquels le champignon a été inoculé. Il faut attendre entre huit et dix ans pour que l’arbre produise éventuellement de la truffe, rien n’est sur, il s’agit d’aider la nature.

La période à laquelle «caver» est sensiblement la même chaque année mais c’est le chien qui va dire à son maître si les truffes sont prêtes à être ramassées. Pour Franck Jaumard, trufficulteur, « si la truffe sent bon c’est qu’elle est mure et tant que le chien ne la sent pas c’est qu’elle n’est pas prête ». La production de truffe n’arrive pas d’un coup, elle est étalée sur tout l’hiver.

C’est donc le chien qui aide à trouver les truffes. Issu d’une lignée de truffiers, il a été dressé pour ça, par le jeu. Il y a un vrai lien entre l’animal et le trufficulteur, qui va aider son chien, l’aider à se concentrer ou le diriger « C’est un échange, parfois il a besoin de nous comme nous avons besoin de lui » nous confie M. Jaumard.

La famille Jaumard propose des truffes toute l’année par ses truffières et son activité de négociant mais aussi des journées de découverte de la truffe avec de l’agrotourisme et des produits dérivés comme l’huile le vinaigre ou le miel. Les truffes, sous toutes leurs formes, se retrouvent donc toute l’année dans les assiettes des cuisiniers du dimanche comme des grandes tables locales et nationales.

Pour ces amoureux du diamant noir la truffe se mange mieux quand elle est traitée le plus simplement possible, par exemple râpée sur un oeuf mollet, ou infusée dans du fromage. Si vous souhaitez vous lancer, il faudra préparer l’infusion seulement la veille !

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