Portrait : Joseph-Dominique d’Inguimbert, dit dom Malachie d’Inguimbert

Inguimbertine - Culture - Tourisme - Loisirs - Vie citoyenne

Interview librement inspirée de :
l’Inguimbertine Maison des Muses Éditeur Nicolas Chaudun - fondation Louis D. Institut de France - Avril 2008

Je vois le jour à Carpentras le 27 août 1683. C’est mon grand-père qui, venant de Ménerbes, installe la famille d’Inguimbert à Carpentras en 1560. Mes parents, Esprit-Joseph d’Inguimbert avocat besogneux et Anne de la Plane, ma fantasque de mère, bien que porteurs de la particule vivent dans une aisance toute relative. Après moi, un frère et trois sœurs viendront égayer mon enfance. Je garde cependant peu de souvenir de ma prime enfance, si ce n’est, grâce lui en soit rendu, l’éducation que ma tante eut à cœur de me dispenser à Pernes. Ursuline de son état, soucieuse de l’éducation des filles et des soins à porter aux malades, il me plait à penser, au soir de ma vie, que c’est sa compagnie qui fit de moi l’homme que je suis, que tout ce chemin parcouru je l’ai fait dans ses pas.
À 16 ans, je suis entré en tant que novice chez les dominicains, après mon passage au collège des jésuites de Carpentras. J’ai tôt fait de partir à Aix parfaire mes savoirs tant théologiques que philosophiques pendant deux ans avant de rejoindre Paris, en 1702. Ce siècle avait deux ans et j’achevais mes études au collège Saint-Jacques. Toujours je me suis réjoui de ces heures passées dans toutes les bibliothèques qui s’offraient à moi. D’aucuns diront que c’est de là que je tiens mon érudition, je n’y voyais pour ma part que plaisir d’apprendre et joie de découvrir. Un de mes plus grands regrets, en raison de ma santé défaillante, est sans doute de n’être pas allé aux Amériques comme il me fut proposé en 1707. Deux ans 2 plus tard, une sombre mésentente familiale débouchant sur un procès me conduit à Rome. Je n’imaginais pas alors que j’y passerais 26 années de ma vie. Ce fut néanmoins l’occasion de lier des relations qui feront mon assise financière et ma légitimité en tant qu’enseignant apprécié et érudit. 

Le 2 août 1715 vous prononcez vos vœux. Votre choix se porte sur dom Malachie, Pourquoi ?

C’est assez simple, le nom de Malachie, envoyé du Seigneur en hébreu, je ne le choisis bien évidemment pas par hasard, c’est en référence à Malachie de Guarneryn, premier abbé de la communauté de Buonsollazzo où je me suis retiré et converti à la rigoureuse règle de la Trappe.

Votre présence à Rome semble marquer un tournant dans votre parcours.

Certes, à la fin des années vingt, je prends soin du secrétariat et de la bibliothèque personnelle du Cardinal Corsini qui deviendra le pape Clément XII en 1730. Mes revenus s’améliorent et je peux enfin m’autoriser à imaginer quelle empreinte digne de mon engagement je laisserai sur cette terre. L’amour des livres et des objets d’art, ma curiosité et mon désir d’étude prennent alors le pas sur la règle d’un de mes maîtres, l’abbé de Rancé, brillant théologien, qui parce qu’il voulait éviter la tentation de l’orgueil intellectuel repoussait toute étude scientifique. Dans le même temps, ma présence à Rome correspond à une époque riche en érudition, en débats et controverses. J’y ai compris l’enjeu des bibliothèques pour réunir la savoir du monde, étudier les courants de pensée et toucher la Vérité. Sans oublier le beau qui peut aussi être une porte vers cette Vérité. J’ai été choisi pour servir notre très saint père Clément XII.

Et votre retour dans nos contrées ?

Pourvu de titres et de revenus généreux, je retrouve ma cité natale le 23 juin 1735. Je sais que mon exigence m’a valu de nombreuses rancoeurs. On me dit soupe au lait, ce qui me joue encore des tours. Cible de nombreuses satires, je n’en demeure pas moins soucieux du sort des indigents de mon diocèse que je visite avec abnégation. Habité du désir de partager les bienfaits du savoir, je décide de consacrer mon énergie et mes deniers à la construction de l’hôtel-Dieu pour soigner les plaies du corps et de la bibliothèque musée, en l’hôtel Grandis de Pomerol, pour élever les âmes au savoir et à la curiosité. Ma santé toujours fragile me fait défaut pour la dernière fois le 6 septembre 1757 et je tire ma révérence comblé de laisser «non seulement à mes concitoiens, et à mes diocésains, mais aussi aux étrangers de quelque pais qu’ils puissent être ma bibliothèque, avec mes manuscrits, mon médailler, mes antiques, mes estampes, etc.».

Carpentras magazine n°185 - Sommaire